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Référence de Simon Leys pour introduction L'artiste est-il narcissique ? Réflexion et approche de l'art Extrait de mon livre en cours
Oisila Nevoy
8/29/20249 min read
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REF Simon LEYS - La plupart des gens sont d’autres gens » disait Oscar Wilde, « Leurs pensées sont les opinions de quelqu’un d’autre ; leur vie est une imitation ; leurs passions, une citation ; ; ; Il n’y a qu’une façon de réaliser sa propre âme, et c’est de se débarrasser de sa culture ». En effet beaucoup de florilèges me rappellent un assez morne personnage de ma connaissance ; il avait noté une collection de plaisanteries dans un petit carnet, et chaque fois qu’on l’invitait quelque part, avant de se mettre en route, il commençait par mémoriser une douzaine d’anecdotes et de bons mots, dans l’espoir d’éblouir ses hôtes avec les feux d’artifices de son esprit. Toutefois, un florilège n’est pas nécessairement inspiré par un pathétique désir d’impressionner autrui au moyen de ce vernis d’emprunt que Wilde avait raison de railler. Il peut aussi refléter une réalité qu’avait bien saisie Alexandre Vialatte : « Le plus grand service que nous rendent les grands artistes, ce n’est pas de nous donner leur vérité, mais la nôtre ». Un florilège qui rassemblerait des citations choisies seulement pour leur éloquence, leur profondeur, leur esprit ou leur beauté risquerait d’être tout à la fois fastidieux, interminable et incohérent. Il ne peut tirer son unité interne que de la personnalité et des goûts du compilateur lui-même, dont il présente une sorte de miroir. Simon Leys.
Le narcissisme, l’égocentrisme semblent frôler les artistes et c’est tout un art de faire les pas de côté pour éviter ces fléaux qui finalement nous font tournoyer et rester dans cette danse incessante.
J’ai beau savoir que mon souhait premier est de mettre les bonnes couleurs, les bons contours, les bonnes textures, les bons mouvements, pour sublimer l’intérieur des autres, rien n’y fait. En effet, ce sont mes tripes, ma sensibilité, et chaque soir, je me sens un peu plus narcissique et égocentrique. Rien que le fait de se considérer comme un artiste est déjà une espèce de qualité que je m’attribue, bien malgré moi, mais à partir du moment où je peins et que je partage mes œuvres, les propose, que je le veuille ou non, l’administration me demandera de m’inscrire en tant qu’artiste. J’ai bien pensé les mettre dans une cave ou un grenier, peut-être mes œuvres auraient été dépoussiérées et vendues au siècle prochain, reste à savoir si l’insensé est mieux que le narcissique. Toute personne ayant une considération, même la moindre, me dirait que je suis stupide de les cacher.
C’est ainsi que, de fil en aiguille, je me retrouve à faire quelques photos de ma petite personne et que le narcissisme revient se coller à moi alors que je ne lui ai rien demandé, seulement voilà, qui dit photo dit essayer d’en faire des « pas trop ratées », si possible, tant qu’à faire ! Me voilà donc en train de me coiffer, vérifier si le teint est bon, l’angle de vue, l’exercice consistant à réussir l’acte présent mais en réalité, c’est parfaitement ridicule. Que l’artiste soit de belle ou piètre apparence n’a aucune importance puisque ce qui compte, c’est ce qu’il incarne, ce qui le constitue et là encore, c’est bien subjectif, de belles personnes peuvent ne pas plaire et de moins belles personnes peuvent plaire tout comme des beaux tableaux peuvent ne pas plaire et des moins beaux plaire. Un simple coup de pinceau ou un jet de peinture d’un artiste connu aura tout son succès.
Oui, que chacun fasse selon son plus beau ressenti. Simon Leys cite Oscar Wilde, qui parle en substance de se débarrasser de sa culture pour réaliser sa propre âme. Peut-être en tous cas, en faire fi de temps à autres pour ressentir non avec seulement des références mais avec sa propre sensibilité, sa propre vision, sa propre observation et analyse. On pourra analyser parfaitement une œuvre littéraire, s’attacher aux personnages, les comprendre, puis croiser de vraies personnes dans sa vie qui auraient les mêmes caractéristiques, qui méritent au moins autant sinon plus, que des personnages de roman, une attention, mais que l’on ne reconnaît pas et que l’on ne comprend pas, pire, que l’on ignore. Et lorsque l’on crée, être trop académique, que ce soit dans la peinture ou l’écriture, altère la singularité, l’imagination et les rouages du développement, l’inspiration. De même, être attaché à une marque, de personnages connus, empêche la découverte et là encore, la singularité. Acheter un sac de telle marque plutôt que celui qui vous sied à merveille sans marque particulière empêche votre singularité et le mérite de celui qui a créé ce sac comme s’il avait été fait pour vous. On dit souvent que si certains de s’en sortent pas, c’est parce qu’ils ne font rien mais donne-t-on la chance à celui qui a créé ce sac parfait ? Le monde, avec toutes ses références et interférences ne fait plus toujours sens.
Mon souhait en tant qu’artiste, c’est que chaque tableau, des miens ou de ceux des autres, trouve sa place sur le bon mur chez la bonne personne, qui l’aura acquis par son ressenti. En effet, je ne me sens pas en concurrence avec les autres artistes qui me ravissent plus que ma petite personne. J’ai avec eux souvent un beau partage, on s’encourage, on s’inspire, on respire l’harmonie ensemble, en tous cas avec ceux qui savent rester hors de la cage du narcissisme et de l’égocentrisme, du calcul commercial avec sa concurrence, cage toujours ouverte à surveiller pour ne pas que la porte se referme définitivement.
Toute œuvre unique, quelle qu’elle soit, prendra de la valeur avec le temps. Elle se transmet de génération en génération. L’artiste qui a quitté le monde reste vivant à travers ses œuvres et prend une valeur liée à une autre dimension que nous les vivants, aspirent à toucher. Les tableaux de grande valeur aujourd’hui, sont ceux acquis par le cœur, ceux dont l’artiste a laissé une histoire, qui nous interpelle encore, les tableaux qui ont gardé leur magie sont ceux qui ont touché les vies des acquéreurs, qui ont voyagé avec eux, qui sont partis avec eux dans une sorte d’entre deux mondes, au fil du temps. Un tableau ne ressemble pas à une image narcissique de l’artiste, il rassemble les histoires, il vit.
Afin d'illustrer mon propos,
Ci-dessous, un extrait de mon livre en cours. Sortie prévue à l'automne.*
(En gras les passages qui illustrent comment une œuvre peut vivre et être en connexion, comment la magie de sa présence opère. On peut y voir finalement l'effacement total de l'artiste qui l'a faite, montre qu'il n'y a plus de narcissisme, il n'est qu'une référence quand on vient demander de qui est cette œuvre, tout le reste du temps, son œuvre n'est là que pour l'atmosphère, la connexion avec ses hôtes, elle invite à un ressenti).
. "La demeure semblait dater du XIXe siècle et si la façade avait besoin d’un rafraîchissement, cela n’altérait en rien le cachet, bien au contraire. La grande porte d’entrée en bois massif donnait sur un large couloir carrelé d'octogones, carrés et triangles beiges, rouges, terre et noirs. Un grand radiateur en fonte s’imposait et dégageait une chaleur tout à fait bienvenue en ce début de printemps avec ses saintes glaces. Les lumières étaient déjà allumées, des lustres en cristal, des petites lampes de tissus avec des franges de coton soyeux retenues par des liserés finement travaillés, des lumières douces, tamisées. Axelle s’avança sous l’arcade gauche du couloir qui offrait en perspective deux salons dans la diagonale séparés par une autre arcade, il y avait une porte vitrée que les grains orangés et verts rendaient translucide à gauche avant le salon du fond. Le parquet ancien était recouvert de plusieurs tapis afghans. Axelle se concentrait sur les détails, en même temps qu’elle s’imprégnait de l’atmosphère magique de cette maison qui lui rappelait celle de ses parents. Des plateaux du Maghreb en laiton et cuivre ciselés dont un immense au-dessus de la cheminée, un vase avec du sable, une cage de Sidi, des bougeoirs, des cendriers et une lampe à huile en étain, des fauteuils profonds et moelleux en tissu, une tapisserie sombre dans les tons verts et marrons avec des touches de couleurs vives parsemées, une perspective de profondeur qui invitait à venir s’engouffrer dans la forêt, des contrastes qui la rendaient vivante, qu’elle ne prit volontairement pas le temps de détailler sous peine de partir dans le paysage avec les personnages en taille réelle fondus dedans. Non elle ne pouvait pas se dérober après le mal qu’elle s’était donné à trouver celui qui tenait la route pour son objectif, ce qui n’était franchement pas évident dans ce genre de milieu.
[…]
Elle décida d’aller regarder vers la bibliothèque du salon du fond qui prenait toute la largeur du mur, laissant les livres à hauteur d’humain et recelant des coffrets marquetés en bois et en cuir sur les étagères en hauteur. Peut-être des photos ou des objets souvenir, elle ne se permettra pas d’ouvrir quoi que ce soit, elle ne touchera que ce qui s’offre à la vue. Elle prit le temps de retourner vers son sac, sachant que ce ne sera pas possible ensuite. Elle sortit l’enveloppe qu’elle avait déjà préparée pour payer Sasha et la glissa sous le sous-main en cuir qu’elle avait repéré sur le secrétaire puis s’avança doucement, commença à s’enquérir du contenu de la bibliothèque en caressant les titres et les auteurs, glissant doucement vers la droite, puis revenant sur la gauche pour continuer sur l’étagère du dessous. [...] Elle attrapa le livre de Zyke et le plaça ailleurs au hasard. Cette petite blague n’avait rien de méchant, juste un petit clin d’œil à sa psychorigidité. Elle continua de caresser doucement des mains et des yeux, les auteurs et leurs titres, fit glisser vers elle les femmes qui courent avec les loups de Clarissa Pinkola Estès. Cela faisait presque deux ans qu’elle vivait une expérience qu’elle jugeait surnaturelle - sans en être étonnée plus que cela tant elle vivait depuis toujours dans son monde à part - celle d’avoir chaque jour, un passage de livre, une chanson, une remarque entendue, un morceau d’interview, qui venait à point nommé répondre à ses questionnements de la veille ou du jour et cela depuis qu’elle avait ressenti, un matin de janvier, une force invisible lui hurler un “Stop ! Ça suffit !” Le déclic était survenu de façon intempestive, […] Elle ouvrit une page au hasard, retourna vers le plateau en lisant en silence “Suivre quelqu’un comme une ombre : Canto Hondo, le chant profond. Suivre quelqu’un comme un ombre, cela signifie pouvoir observer sans être vu, tant on a le pas léger et évoluer librement dans la forêt…” Ça commençait bien ! pensa-t-elle en ayant un pincement au ventre… […] Elle remplit de nouveau sa coupe, entamant la deuxième bouteille. Elle posa, troublée, le livre sur la table à côté du plateau, reprit sa coupe et se mit à déambuler dans le salon en caressant entre chaque gorgée ce qui s’offrait à elle si généreusement, si fort, si secrètement, les statuettes indonésiennes, la commode marquetée, plongea sa main dans le vase transparent, subjuguée par le sable qui glissait entre ses doigts, passa devant la tapisserie d’Aubusson, une scène de chasseur, retourna sur ses pas pour se planter devant, fit quelques tours sur elle-même, tendit sa coupe vers les personnages :
— A la vôtre les gars ! Ah Ah ! Pourquoi vous faites la gueule ? Vous avez gagné non ?! Bon à cinq contre une, c’est vrai… c’est pas la gloire… Ah Ah ! Mais bon, faut bien manger, bouffer, tss, tss, non, on dit déjeuner ou dîner, il n’y a que les animaux qui mangent, qui bouffent. Bon, moi, je vais aller chasser… une autre mignardise…
Elle tendit son bras, replia l’autre, allongea deux doigts, plissa un œil, visa le plateau et un macaron en particulier, fit mine d’appuyer sur la gâchette en effectuant un soubresaut violent vers l’arrière puis alla saisir le macaron, remplit presque maladroitement sa coupe de champagne, enfonça ses dents lentement dans le parfait rond moelleux en s’avançant de nouveau vers la tapisserie.
— Mmh, c’est délicieux, vous devriez essayer… j’ai eu du mal à l’avoir mais quel délice ! Et dites-moi, ça existe le champagne à votre époque ? Ah vous faites toujours la gueule ? Franchement, vous plombez un peu l’ambiance ! Ah Ah Ah ! Vous ne voulez pas me répondre ? Sasha, contrairement à vous, a réussi à s’échapper du tableau mais il n’est guère plus loquace…
Elle fit une petite moue et but d’une traite sa coupe de champagne puis se dirigea vers la salle d’eau."
*Texte non libre de droit